Revue de littérature

Si certains articles traitant de l’imagerie mentale et proposant des méthodes pour la quantifier chez un individu datent des années 1970 et 1980, l’aphantasie n’a attiré un intérêt significatif qu’à partir de 2015. L’étude du cas M.X par Zeman et al. (2015) a suscité alors un intérêt médiatique aussi inattendu qu’important et de nombreuses personnes ont questionné leur propre capacité à voir des images dans leur tête. Zeman et al. (2015) ont été contactés par plus de 14 000 personnes rapportant une imagerie visuelle extrême à la suite de la publication de leur article (Zeman et al., 2020).

Graphique représentant le nombre de publications sur l’aphantasie par an depuis 1973

Ainsi, avec l’augmentation de l’intérêt public pour l’aphantasie, une hausse des articles publiés à ce sujet a été remarquée, explorant des thématiques variées pour tenter de comprendre les causes et conséquences de l’aphantasie. Si des questionnaires proposant des mesures subjectives de l’aphantasie existaient depuis déjà des décennies, les recherches se sont portées sur des moyens objectifs de qualifier l’aphantasie. Les découvertes de Keogh et al. (2017) et Kay et al. (2022) ont apporté de grandes avancées à ce sujet.


Nous nous proposons de parcourir la littérature existante au sujet de l’aphantasie pour offrir un résumé des méthodes existantes, pour la mesurer et pour tenter d’appréhender sa nature et ses conséquences. Cette recherche d’articles s’est faite en deux étapes.

Tout d’abord, notre encadrant de TER, Monsieur Florian LARONZE, s’est servi de la requête “aphantasi*” (pour aphantasia ou aphantasic), dans différentes bases de données (Eric, Springer, Science direct, IEEE Xplore, ACM, Wiley Online, Nature) à la date du 23/09/2021. Le critère d’inclusion dans notre revue est de traiter de l’aphantasie comme sujet principal. Cette requête a permis d’identifier 69 articles (Eric: n=0, Springer: n=24, Science direct: n=32, IEEE Xplore: n=0, ACM: n= 1, Wiley Online: n=8, Nature, n=4) qui ont été lu par notre encadrant. Parmi ces articles : 11 ont été retirés parce qu’ils ne comprenaient le mot “aphtansi*” que dans les sources, 24 ont été retirés parce qu’ils n'évoquent cette thématique que de façon très brève et enfin 21 ont été retirés car ils traitaient brièvement de l’aphantasie et n’en faisaient pas l’enjeu principal de leur étude. Au final, 13 articles ont été conservés pour réaliser notre revue de la littérature.

Nous avons complété cette base de 13 articles à la date du 28/03/2023 en suivant une méthodologie similaire. 16 articles ont été sélectionnés (Springer = 2, PsyArXiv = 2, Cortex = 2, Elsevier = 3, Royal Society = 2, CSHLP = 1, eLife = 1, Oxford = 1, Perception = 1, Wiley = 1).

Vingt-neuf articles ont ainsi été rassemblés pour constituer notre revue de littérature.

Outils d'évaluation de l'aphantasie

Questionnaires

Vividness of Visual Imagery Questionnaire (VVIQ)

Le VVIQ, ou Vividness of Visual Imagery Questionnaire, Questionnaire de Netteté d’Imagerie Visuelle, est un questionnaire de 16 items correspondant chacun à une description dont le participant doit créer une image visuelle mentale puis noter la force et la netteté de l’image sur l’échelle de points suivante (Marks, 1973) :

  1. Pas d'image du tout, je "sais" juste que j'y pense
  2. Vague et flou
  3. Modérément clair et net
  4. Clair et raisonnablement net
  5. Parfaitement clair et aussi net que si c'était devant moi

Le résultat est obtenu en ajoutant la valeur des réponses. Le résultat maximal est donc 80 et le résultat minimum est 16.

Certains auteurs considèrent qu’une personne est aphantasique si son score est inférieur ou égal à 32 (Wicken et al., 2021 ; Kay et al., 2022 ; Dance et al., 2021b ; Liu et al., 2023) mais il n’y a pas de consensus. D’autres études considèrent que le score seuil de l’aphantasie est, par exemple, 23 (Monzel et al., 2023 ; Zeman et al., 2020) ou encore 25 (Bainbridge et al., 2021 ; Pounder et al., 2022).

Une aphantasie extrême est également caractérisée par un score minimal au VVIQ par Zeman et al., 2020. Dans la population générale, le score moyen au VVIQ serait de 59,2 avec un écart-type de 11,07 (McKelvie, 1995).

Object-Spatial Imagery Questionnaire (OSIQ)

L’OSIQ, ou Object-Spatial Imagery Questionnaire, Questionnaire d’Imagerie Spatiale et d’Objet, a été développé par Blajenkova et al., 2006. Ce questionnaire propose deux résultats : une note d’imagerie objet et une note d’imagerie spatiale, calculées grâce aux réponses à 50 items (25 pour chaque condition) avec une échelle de Likert (Dawes et al., 2019). Les notes vont de 15 à 75 (Bainbridge et al., 2020).

Il a été montré dans plusieurs études que les personnes aphantasiques obtiennent des scores plus bas sur l’échelle d’imagerie objet mais pas sur l’échelle d’imagerie spatiale (Dawes et al., 2020 ; Bainbridge et al. 2021 ; Wittman et al., 2022).

Spontaneous Use of Imagery Scale (SUIS)

Le SUIS, ou Spontaneous Use of Imagery Scale, Échelle d’Utilisation Spontanée de l’Imagerie, est un questionnaire d’imagerie visuelle mentale créé par Reisberg et al. en 2003. Il comporte 12 items à évaluer sur une échelle de 1 à 5. La moyenne de ces réponses donne une estimation de l’utilisation spontanée d’imagerie mentale dans la vie de tous les jours du sujet. Le score minimal, indiquant une faible utilisation, est de 16 et le score maximal, indiquant une utilisation importante, est de 60 (Nelis et al., 2014).

Le score au SUIS est corrélé au score au VVIQ (Nelis et al., 2014 ; Keogh et al., 2017).

Visual Imagery Questionnaire (VIQ)

Le Visual Imagery Questionnaire permet de mesurer l’imagerie mentale en demandant à ses participants de penser au bâtiment dans lequel ils habitent et de noter leur perception sur une échelle de Likert allant de 0 “je n’ai pas d’image du tout et je ne sais pas à quoi ça ressemble / I have no image or picture at all and I don’t know what it looks like” à 5 “j’ai une image comme une photographie qui est parfaitement claire et nette - comme si j’étais là / I have an image like a picture that is perfectly clear and vivid – just as if I were really standing”. (Dance et al., 2021b).

Questionnaire upon Mental Imagery (QMI)

Le Questionnaire upon Mental Imagery a été conçu en 1967 par Sheehan. Ce questionnaire d’imagerie mentale se distingue par la variété de modalités sensorielles sur lequel il porte : sept au total, comprenant la vision, l’audition, le toucher, la kinesthésie, le goût, l’odeur et les émotions. Il propose cinq questions par modalité, soit trente-cinq items totaux, où le participant doit noter sur sept le stimulus imaginé avec une échelle de 1 “perfectly clear and vivid” à 7 “no image present at all”. (Dawes et al., 2019 ; Sheehan, 1967)

Multi-domain french-language Battery Imagination Perception (BIP)

Le multi-domain french-language Battery Imagination Perception est une batterie de tests sur l’imagerie mentale visuelle créée par Bourlon et al, 2009. Elle comporte 14 tâches d’imagerie mentale visuelle et 8 de perception visuelle.

Clarity of Auditory Imagery Scale (CAIS)

Le Clarity of Auditory Imagery Scale est un questionnaire portant sur l’imagerie auditive construit par Willander et Baraldi (2010). Les participants doivent imaginer 16 sons et les noter sur une échelle allant de 1 à 5. La méthode de notation est similaire à celle du VVIQ : on obtient une note pouvant aller de 16 (une imagerie pauvre) à 80 (une imagerie riche) (Dance et al., 2021b)

Vividness of Olfactory Imagery Questionnaire (VOIQ)

Le Vividness of Olfactory Imagery Questionnaire est un questionnaire d’imagerie olfactive où le participant doit noter de 1 à 5 quatre odeurs de quatre situations différentes. Comme le VVIQ, le VOIQ propose un score allant de 16 à 80, représentant respectivement une imagerie olfactive absente ou excellente. (Dance et al., 2021b)

Vividness of Movement Imagery Questionnaire 2 (VMIQ-2)

Le Vividness of Movement Imagery Questionnaire 2 est un questionnaire d’imagerie kinesthésique qui a été revisité par Roberts et al. en 2018 pour proposer une version avec trois perceptions différentes du mouvement : une perception en première personne, une en troisième personne et une perception concernant la sensation du mouvement. Une échelle de Likert en 5 points est utilisée pour noter 72 items différents. (Dance et al., 2021b)

Plymouth Sensory Imagery Questionnaire (Psi-Q)

Le Plymouth Sensory Imagery Questionnaire (Psi-Q) est un questionnaire d’imagerie portant sur de multiples domaines sensoriels : on y teste l’imagerie visuelle, auditive, tactile, gustative, olfactive, kinesthésique et également l’imagerie sentimentale, qui correspondrait à la capacité à recréer un sentiment ou une émotion. Pour chaque modalité, cinq items sont proposés et un score allant de 0 à 10 est calculé. (Dance et al., 2021b)

Imagery Questionnaire (IQ)

Le Imagery Questionnaire (IQ) est un questionnaire d’imagerie mentale créé par Zeman et al. en 2015 pour récolter des informations sur les constatations des personnes aphantasiques sur leur propre aphantasie. Nous y trouvons par exemple une question sur leur capacité à rêver, l’impact de leur aphantasie sur leur couple ou le nombre de personnes de leur entourage étant également aphantasiques. Les 14 items portent principalement sur l’imagerie mentale visuelle. (Zeman et al., 2015).

Mesures physiologiques

Tâche de rivalité binoculaire

La tâche de rivalité binoculaire est la première tâche cherchant à objectiver l’aphantasie et à ne plus restreindre les études dans ce domaine à des questionnaires auto-administrés. Keogh et al., 2017, à l’origine de cette technique, ont utilisé une variante d’une tâche de perception visuelle pour en faire une tâche d’imagerie mentale visuelle.

En effet, la tâche de rivalité binoculaire met en évidence un effet d’amorçage. On présente une image amorce, composée de traits horizontaux ou verticaux d’une certaine couleur aux deux yeux dans un premier temps. Nous la présentons ensuite à un seul œil, alors que l’autre œil perçoit alors une image différente, avec une orientation et une couleur différentes. De manière intéressante, nous allons alors uniquement percevoir l’image amorcée.

Tâche de rivalité binoculaire originale

Keogh et al. (2017) ont repris cette tâche en remplaçant la perception de l’image amorce par sa description : on peut alors lire sur l’écran “traits horizontaux verts” ou “traits verticaux rouges”, par exemple. Comme dans la tâche originale, on présente à chacun des yeux une image différente, dont celle qui a été décrite auparavant.

Tâche de rivalité binoculaire testant l’imagerie mentale de Keogh et al. (2017)

Si un effet similaire à celui de la tâche originale a été observé chez les sujets contrôles, qui voyaient alors uniquement l’image amorcée, les sujets aphantasiques ont vu l’une ou l’autre des images sans effet d’amorçage significatif, de manière aléatoire.

Ce résultat montre que les aphantasiques ne manquent pas seulement de métacognition mais qu’ils n’ont réellement pas ou peu d’imagerie mentale. La tâche de rivalité binoculaire pourrait donc être utilisée pour tester l’aphantasie.

Pupillométrie dans une tâche d'imagerie mentale

Les récents travaux de Kay et al. (2022) portent sur les variations de la taille de la pupille lors de tâches d’imagerie mentale. Nous savons déjà que les pupilles se dilatent et se contractent en fonction de stimuli d’ordre cognitif en plus de la luminosité. Par exemple, une image de soleil en nuances de gris causera une contraction pupillaire plus importante qu’une image de lune en nuances de gris. Le but de Kay et al. a été de montrer que l’imagerie mentale peut également influencer la taille de la pupille.

Grâce à une tâche de perception puis d’imagerie décrite ci-dessous ainsi qu’à un questionnaire demandant de noter la netteté de l’image créée mentalement, les chercheurs ont mis en évidence que si les sujets contrôles montraient une réaction pupillaire à la tâche de perception comme à celle d’imagerie, ce n’est pas le cas des participants aphantasiques qui présentaient une réaction diminuée dans la condition d’imagerie (l’aphantasie étant décrite dans leur expérience par un score au VVIQ inférieur à 32).

Schéma explicatif de l'expérience

L’article prouve que les pupilles répondent à la force et à la vivacité d’une image visuelle, et que plus l’image est forte et nette, plus la pupille répond. Cette réponse n’a pas été retrouvée chez les individus sans imagerie mentale : la pupillométrie dans une tâche d’imagerie mentale pourrait donc être une mesure objective d’imagerie mentale, à l’instar du test de rivalité binoculaire.

Fonctions cognitives impactées par l'aphantasie

Les mémoires

Comme évoqué précédemment les différents types de mémoires peuvent être impactées par l’aphantasie alors que d’autres sont conservées. Dans cette partie l’intérêt se porte en particulier sur les principales mémoires et leurs caractéristiques chez les sujets aphantasiques.

La mémoire de travail

Tout d’abord, la mémoire de travail visuelle désigne la rétention et la manipulation d’informations visuelles en mémoire durant une période de quelques secondes. Elle repose sur l’utilisation de l’imagerie mentale d’après des études comportementales et d’imagerie cérébrale. Les sujets “contrôles” font appel à l’imagerie mentale visuelle pour résoudre des tâches de mémoire de travail visuelle (Pearson, 2019). En addition, l’imagerie visuelle est corrélée à la précision et à la capacité de la mémoire de travail visuelle (Keogh, 2021). Il est intéressant de noter que les limites de capacité de stockage de la mémoire de travail visuelle sont similaires à celles de l’imagerie mentale visuelle (Keogh & Pearson, 2011, 2014, 2017). Enfin la neuroimagerie démontre également cette corrélation avec une activité enregistrée dans les aires visuelles très proches pendant une tâche d’imagerie mentale et une tâche de mémoire de travail (Albers et al., (2013)). La mémoire de travail est ainsi pertinente à étudier avec des participants dépourvus d’imagerie mentale visuelle.

La mémoire de travail visuelle n’est pas déficitaire chez les participants aphantasiques en comparaison avec les participants contrôle. Néanmoins lorsque la mémoire de travail visuelle nécessite un degré de précision plus important (Jacobs et al., 2017) ou lorsqu'elle est fortement mobilisée pour réaliser une tâche de mémoire de travail, la performance est impactée. Pour une tâche de mémoire de travail visuo-spatiale cela se traduit par un allongement du temps de réaction sans modifier pour autant l’exactitude des réponses (Pounder et al., 2022). L’explication résiderait dans l’utilisation de stratégies différentes avec une reposant sur l’imagerie spatiale pour les aphantasiques et une autre reposant sur l’imagerie visuelle pour les contrôles (Pounder et al., 2022).

En plus de stratégies différentes les aphantasiques diffèrent de la population générale par la corrélation de leurs performances sur des tâches de mémoire de travail visuelles et numériques ce qui suggère une plus grande similitude dans le mécanisme de stockage utilisé pour les stimuli visuels et numériques que dans la population générale (Keogh et al., 2021). Le stockage de l’information en mémoire de travail visuelle diverge donc si l’on a la capacité ou non de générer des images mentales. Les dissemblances de stratégies et de stockages s'illustrent et sont prouvées empiriquement par l’absence d’effet obliques chez les personnes aphantasiques (Keogh et al., 2021). L’effet oblique est défini par l’altération des performances dans les tâches de mémoire visuelle lorsque les angles des items sont obliques (Pratte et al., 2017).

Plus précisément les aphantiques étiquettent plutôt l’image et gardent l’information à l’esprit plutôt que d’en faire une représentation mentale visuelle (Keogh et al., 2021). La mémoire sémantique est de ce fait plus largement mobilisée.

La mémoire de travail sémantique

La mémoire sémantique est importante car elle n’est pas impactée par l’aphantasie (Keogh et al., 2017 ; Blomkvist, 2022). Dans un premier temps, le fait que la mémoire sémantique soit intacte fait partie de la définition de l’aphantasie congénitale. En effet, l’aphantasie congénitale est une variation d’expérience découverte récemment qui se caractérise par une incapacité à créer volontairement une image mentale tout en ayant une mémoire sémantique intacte et également sans problèmes de vision (Keogh & Pearson, 2018 ; Zeman, Dewar, & Della Sala, 2015). Dans un deuxième temps, elle est utilisée par les personnes aphantasiques comme stratégie compensatoire lors de la réalisation de tâches nécessitant l’intervention de processus mémoriels lésés. Par exemple : pour se représenter quelque-chose, les sujets manipulent des informations sémantiques et propositionnelles (Keogh et al., 2017).

De plus, la mémoire sémantique est très liée à la mémoire épisodique. Leur distinction est complétée par l'idée intermédiaire de « sémantique personnelle » (Renoult, Davidson, Palombo, Moscovitch & Levine, 2012). Elles sous-tendent toutes deux la récupération en mémoire des informations comme évoqué avec le modèle CESH+ (Blomkvist, 2022).

La mémoire épisodique

La mémoire épisodique est de manière intéressante assimilée à la notion de “voyage temporel mental” d’après les termes de Tulving (1985). Il souligne également que les personnes sans mémoire épisodique savent mais ne se rappellent pas. La mémoire autobiographique désigne la capacité à s’imaginer dans le futur et à revivre ses expériences passées. De manière plus spécifique, la mémoire épisodique est caractérisée par un rappel visuel vif et une ré-expérience des événements qui permet une récupération des souvenirs. Ce mécanisme est soutenu par une réactivation des aires perceptives impliquées lors de l’encodage. (Wheeler et al. 2000 ; Vaidya et al. 2002 ; Karanian et Slotnick 2015 ; St-Laurent et al. 2015 ; Waldhauser et al. 2016). La mémoire épisodique est impactée chez les personnes aphantasiques car l’imagerie mentale est essentielle dans la récupération d’informations en mémoire épisodique. Il en va de même avec l’imagination du futur car elle repose sur la mémoire épisodique. (Dawes et al., 2020).

L’absence d’imagerie altère ainsi la mémoire autobiographique sur de nombreux points. Tout d’abord, les aphantasiques rappellent moins de détails internes (information épisodique spécifique à l’événement) que les hyperphantasiques et les sujets contrôles dans l’expérience de Milton et al. (2021) reprenant l’interview autobiographique de Levine et al. (2002). Cela peut s'expliquer par un lien entre la mémoire épisodique et la sensibilité sensorielle. Effectivement, les individus avec une imagerie plus nette généreraient plus de détails sensoriels et visuels lors du rappel du passé ou d’une simulation du futur (Dawes et al., 2022). A cet argument s’ajoute le fait qu’une grande partie des personnes aphantasiques rapportent également une imagerie réduite dans d'autres modalités sensorielles (Dawes et al., 2020 ; Dance et al., 2021b ; Hinwar et Lambert, 2021), ce qui peut encore réduire l'expérience de récupération en mémoire épisodique, car les détails perceptifs contribuent à des recherches autobiographiques (Levine et al., 2002).

Dawes et al. (2022) rapportent précisément les déficits en mémoire autobiographique présents chez les aphantasiques selon plusieurs dimensions :

Dimension Aphantasiques Contrôles
Phénoménologiques Imagination de situations passées :
  • Les événements sont moins vivaces
  • Des scénarios sous des perspectives à la première et troisième personne comportent moins de détails épisodiques
  • Les événements passés sont plus vivaces, plus riches en détails et plus cohérents que pour l'imagination du futur
Imagination de situations passées :
  • Les événements passés sont plus vivaces, plus riches en détails et plus cohérents que pour l'imagination du futur
Linguistique
  • Pas de différence sur la construction du texte.
  • Proportion plus faible de langage perceptif et visuel.
  • Pas de différence sur la construction du texte.
  • Moins nombreux pour le passé et le futur par rapport aux contrôles.
  • Moins nombreux pour le futur que pour le passé.
  • Autant de détails internes pour le futur que pour le passé.
Détails externes
  • Pas de différence significative.

Nous pouvons conclure que les personnes aphantasiques peuvent se souvenir sans rappel imagé de l’information en mémoire épisodique mais la récupération en est impactée. Le souvenir est également moins vivace de par une sensibilité sensorielle diminuée.

Mémoire objet et mémoire spatiale

Précédemment il fut établi que l’image mentale en mémoire a une composante objet et une composante spatiale. Elles seront donc traitées ensembles pour la mémoire. L’imagerie objet est corrélée avec l’expérience psychologique du souvenir et l’imagerie spatiale est responsable de la facilitation de la récupération des détails d’événements épisodiques. (Dawes et al., 2022)

La mémoire spatiale est intacte chez les aphantasiques, et peut même être plus importante que dans la population générale (Dance et al., 2021b). De ce fait l’imagerie spatiale peut être utilisée comme une stratégie compensatoire notamment lors de la réalisation d’une tâche de rotation mentale par les personnes aphantasiques, par exemple (Keogh et al., 2017). En revanche la mémoire des objets n’est pas intacte, les participants aphantasiques ont obtenu des scores plus bas sur l’échelle des objets mais pas sur l’échelle de la localisation spatiale (Dawes et al., 2020 ; Bainbridge et al., 2021). Cette différence d’altération entre les deux mémoires visible avec l’aphantasie soutient la preuve d’une distinction neurale entre la voie du traitement perceptif des objets et de la localisation spatiale. (Dawes et al., 2019)

Guidage attentionnel

Dans l’étude de Monzel et al. (2021) l’objectif est d’étudier le guidage attentionnel grâce à une tâche de Moriya. En faisant visualiser les couleurs primaires aux sujets, on découvre que les personnes non-aphantasiques ont un effet d’amorçage visible, cependant, les personnes aphantasiques n’ont pas cet effet, car elles sont dans l’incapacité de se représenter les couleurs primaires. Les résultats de cette étude montrent une réaction plus lente des personnes aphantasiques. Monzel et al. (2021) ne trouvent cependant aucun effet d’interaction entre le groupe et la condition d’amorçage, cela pourrait être dû à l'amorçage non visuel (par exemple sémantique) chez les aphantasiques et les non-aphantasiques plutôt qu'à l'amorçage dû à l'imagerie visuelle. Plus récemment, Monzel et al. (2023) ont réalisé une expérience dans laquelle on étudie l’effet d’amorçage de l’imagerie dans un environnement plus naturel. Les résultats des aphantasiques sont en moyenne plus lents de 1488 millisecondes que les contrôles (8950 ms contre 7462 ms). La vivacité d’imagerie visuelle est associée négativement avec le temps.

Sur une tâche de SUVI on remarque un effet principal de la condition d’essai significatif au niveau des TR et des taux d’erreurs. Dans l’étude de Pellegrino et al. (1977), on trouve un effet d'interaction entre le groupe et la condition d'essai significatif, suggérant que les aphantasiques ne peuvent pas être amorcés par leur propre imagerie contrairement aux non-aphantasiques. Cela est observé par un temps de réaction beaucoup moins important chez les personnes non-aphantasiques lors de la tâche avec les images. Cependant, cette différence entre les deux groupes n’est pas visible pour la tâche avec les mots. La conclusion de l’étude explique que le traitement perceptif des images est plus rapide que celui des mots. Crowder (2018) confirme cette étude en montrant que la stratégie non visuelle des aphantasiques est plus lente.

Les aphantasiques ne perdent pas complètement le guidage attentionnel selon Richardson-Klavehn & Bjork (1988), probablement en raison de processus d'amorçage non visuel intermodaux compensatoires, qui, cependant, ont tendance à être plus faibles que l'amorçage intramodal.

Les aphantasiques manquent donc de guidage attentionnel par l'imagerie visuelle.

Sensibilité sensorielle

Dawes et al. (2019) ont fait passer différents questionnaires à des groupes tels que le VVIQ et l’OSIQ. On remarque dans les résultats que les aphantasiques ont un score plus bas et montrent des imageries réduites dans d’autres modalités sensorielles (auditive, kinesthésique, olfactive, émotionnelle). Ces différences entre les aphantasiques par rapport aux modalités sensorielles existantes posent la question de sous-catégories dans l’aphantasie. Dance et al. (2021b) viennent confirmer l’expérience de Dawes et al. (2019) en faisant passer 8 questionnaires à un groupe de personnes aphantasiques et de témoins. Les résultats montrent que les aphantasiques se sont retrouvés avec une imagerie altérée à travers plusieurs modalités sensorielles plutôt que simplement la vision. L’imagerie est donc liée à la sensibilité sensorielle. Dance et al. (2021b) réalisent une autre expérience dans laquelle les aphantasiques effectuent une tâche d'éblouissement par un motif en ligne à l'aide d’une plateforme de test. Les personnes ayant une aphantasie ont un sentiment d’inconfort visuel plus faible et ont moins de distorsions après cet éblouissement que le groupe contrôle. Dance (2021b) en arrive à la conclusion que les aphantasiques ont une sensibilité sensorielle plus faible que la population générale.

Autisme

Concernant l’autisme, Dance et al. (2021a) cherchent à montrer une potentielle relation entre l’aphantasie et l’autisme. Pour cela, ils font passer le questionnaire Autism Quotient (AQ). Les résultats montrent que des traits autistiques plus élevés se retrouvent également chez les personnes atteintes d'aphantasie. Milton et al. (2021) confirment les travaux de Dance et al. (2021a) en exprimant que l’aphantasie est associée au spectre autistique et à l’introversion.

Emotions

Pour déterminer si les émotions sont plus ou moins fortes chez les personnes aphantasiques, Zeman et al. (2020) ont fait passer des questionnaires à plusieurs participants concernant leurs rêves et sommeil. Les résultats ont montré que les aphantasiques rêvent sans images mais que le contenu du rêve provoque des émotions. Dawes et al. (2020) ont déjà répondu à cette question en expliquant que les aphantasiques rapportent des émotions moins fortes pendant le rêve. Dawes et al. (2020) ont également montré que les personnes avec aphantasie rapportent des imageries réduites dans d’autres modalités sensorielles dont en autres la modalité émotionnelle. Plus tard, Dawes et al. (2022) réalisent une nouvelle expérience dans laquelle les chercheurs demandent à des participants de réaliser des écrits autobiographiques. La consigne est de rappeler 6 éléments de leur vie et d’en inventer 6 qui se dérouleront dans un futur hypothétique. L’écriture au futur doit se dérouler à un endroit et à un moment précis et se passe en maximum 24h. Les écrits sont analysés par des logiciels et on remarque que les personnes aphantasiques écrivent peu de mots en rapport avec les émotions comme “heureux”, “amour” ou encore “inquiet”.

Réponse traumatique et conductance cutanée

La conductance cutanée mesure des changements dans le niveau d'activité du système nerveux automatique (un stimulus effrayant induit généralement une augmentation). Dans les deux expériences menées par Wicken et al. (2021) la conductance cutanée est utilisée pour mesurer la réaction physiologique des sujets. Dans un premier temps un scénario fictif effrayant est présenté à l’écrit et dans un deuxième temps un scénario similaire est présenté mais avec des images. Lors de l’affichage des scénarios, la conductance cutanée (SCL) est mesurée avant et pendant. Les SCL sont significativement plus élevées chez les témoins par rapport aux aphantasiques ce qui suggère que les individus aphantasiques montrent une réaction de peur réduite face aux scénarios effrayants écrits par rapport aux témoins. En revanche, lorsque il y a des images, les résultats sont significatifs et équivalents concernant l’augmentation de la conductance cutanée pour les deux groupes.

Ces résultats mettent en avant le fait que la réponse physiologique provoquée à la lecture des scénarios fictifs dépend fortement de la possession d'une imagerie mentale intacte pour simuler le contenu du scénario. Les personnes aphantasiques montrent ainsi de manière attendue et significative une réaction de peur atténuée (SCL) en lisant des histoires effrayantes par rapport aux témoins pouvant visualiser l’énoncé.

Cette expérience souligne le rôle possible de l’imagerie mentale visuelle d’amplificateur émotionnel.

D’après l’expérience de Wicken et al. (2021) évoquée et ses résultats, les personnes aphantasiques devraient être moins susceptibles de développer un PTSD (Post Traumatic Stress Disorder). Le PTSD se diagnostique selon la présence de 4 symptômes principaux : évitement, hypervigilance, changements d’humeurs négatifs et des pensées et souvenirs intrusifs aussi appelés flashbacks. Plus le flashback semble réel, plus le PTSD est sévère. Le PTSD est un trouble pouvant apparaître à la suite d’une expérience traumatisante.

Keogh et al. (2023) a étudié l’impact de la vision d’un film traumatisant sur un groupe d’aphantasiques et contrôle à court et long terme. Les aphantasiques rapportent moins d’intrusions autant sur le court terme (juste après le film) que le long terme (semaine qui suit) et dans des modalités différentes (verbale, spatiale et tactile) essentiellement. Les modalités sensorielles les plus affectées par les pensées intrusives sont celles dont l’imagerie mentale correspondante est conservée chez les personnes aphantasiques. Par exemple, l’imagerie spatiale étant intacte, les pensées intrusives peuvent prendre la forme d’une sensation d’une voiture fonçant sur nous. Cette observation est une preuve de plus soutenant la théorie que l’imagerie mentale est un moteur clé de l’émotion négative et plus généralement est un amplificateur émotionnel. Pour conclure, les aphantasiques sont moins susceptibles de développer un PTSD après une expérience traumatisante ou alors les symptômes seront différents.

Récapitulatif des articles

Dans le tableau ci-dessous, nous avons décidé de récapituler les thématiques, les participants et les conclusions tirées de chaque article que nous avons étudié dans cette revue de littérature. Tous ces articles utilisent des approches quantitatives et ont pour sujet central l’aphantasie. Afin d’en simplifier la lecture, nous avons résumé les tâches et questionnaires mis en place dans ces études dans un second tableau (voir ci-dessous).

Auteurs, année Thématiques Participants Résultats
Bainbridge et al. (2020)mémoire visuelle, imagerie spatialeGA : N = 61 ; âge moyen = 41.88 ; 62,3% de femmes ; VVIQ <=25
GC : N = 52 ; âge moyen = 32.12 ; 59,6% de femmes ; VVIQ > 40
Les aphantasiques montrent une performance de mémoire objet déficiente (moins de détails visuels sont retranscrits). Leur précision est égale aux contrôles et ils font moins d’erreurs.
Dance et al., 2021asynesthésie, autismeE1a : N = 1285 (770F, 515M)
E1b : N = 16246 (12539F, 2482M, 225X), âge moyen = 29,11
E2 :
GA : N = 118 ; âge moyen = 38,47 ; 69F, 49M
GC : N = 118 ; âge moyen = 37.87 ; 66F, 51M, 1X
E1a & E1b : il y a autant de synesthètes chez les aphantasiques que chez les contrôles.
E1b : les synesthètes aphantasiques présentent une synesthésie plus associative que projective que les non-aphantasiques.
E2 : les aphantasiques présentent plus de traits autistiques, notamment concernant l’imagination et les capacités sociales.
Dance et al., 2021bsensibilité sensorielleE1 :
GA : N = 164 ; âge moyen = 42.35 ; 101F, 62M, 1X
GC : N = 138 ; âge moyen = 37.39 ; 67F, 70M, 1X
E2 : N = 83 ; âge moyen = 19.87 ; 63F, 20M
E3 :
GA : N = 56 ; âge moyen = 33.66 ; 28F, 26M, 2X
GC : N = 56 ; âge moyen = 29.84 ; 39F, 17M
E1 : Il existe un lien entre la sensibilité sensorielle et l’imagerie mentale.
E2 : L’imagerie mentale et la sensibilité sensorielle sont corrélées positivement, c’est à dire qu’une meilleure imagerie est significative d’une sensibilité accrue.
E3 : Les aphantasiques ont rapporté moins d’éblouissement que les contrôles ; ils auraient donc moins de sensibilité sensorielle.
Dance et al., 2022prévalence de l’aphantasieE1 : N = 502 (âge moyen =19.93)
E2 : N = 502 (âge moyen =36,55)
E1 : 4,2% de scores au VVIQ se trouvent entre 16 et 32 et 1.0% des scores sont égaux à 16.
E2 : 3,6% de scores au VVIQ entre 16 et 32 et 0,6 égaux à 16.
Dawes et al., 2019mémoire épisodique, projection dans le futur, réponse traumatique, rêves endormis et éveillés, imagerie spatialeGA : N = 267
GC1 : N = 203
GC2 : N = 193
Les aphantasiques ont une imagerie mentale et une mémoire épisodique passée et future moins bonnes. Ils subissent moins d’intrusions. Aucune différence n’a été relevée en termes de capacités spatiales.
Dawes et al., 2022mémoire épisodique, projection dans le futurGA : N = 30 (19F, 11M)
GC : N = 30 (19F, 11M)
Les aphantasiques proposent moins de détails internes pour le futur le passé (avec une déficience pour le futur par rapport au passé) que les contrôles (où le futur et le passé sont équivalents).
Moins d’éléments de langage perceptuels et visuels sont utilisés chez les aphantasiques.
Fulford et al., 2017aires visuelles et systèmes multimodauxGA : N = 15 ; âge moyen = 22 ; 10F, 5M
GH : N = 14 ; âge moyen = 21.27 ; 9F, 5M
Plusieurs régions corticales postérieures sont positivement corrélées avec la netteté de l’imagerie. Des régions frontales sont corrélées négativement avec la netteté de l’imagerie.
Gaber et al., 2021COVID-19GA : 1F ; âge = 59 L’aphantasie est apparue deux mois après la phase aigüe de la maladie. Des modifications de la substance blanche ont été observées.
Jacobs et al., 2017mémoire de travail visuelleGA : 1F ; âge = 31,75
GC : N = 11 ; âge moyen = 31,0 ; 11F
Si les performances sont égales à un niveau de difficulté bas, l’individu aphantasique (AI) connaît une baisse de performance avec l’augmentation de la difficulté.
Kay et al., 2022diamètre de la pupille dans une tâche d’imagerieGA : N = 18 ; âge moyen = 35.8 ; 12F
GC : N = 42 ; âge moyen = 19.8 ; 27F
Dans une tâche de perception puis d’imagination d’une image, les aphantasiques montrent une réponse pupillaire normale et absente respectivement.
Keogh et al., 2017rivalité binoculaire, amorçage visuelGA : N = 15 ; âge allant de 21 à 68 ; 7F, 8M
GC : N = 209 ; âge allant de 18 à +80 ans
Les aphantasiques ne montrent aucun effet d’amorçage puisque leur réponse n’est pas significativement différente de l’aléatoire. Les contrôles montrent un effet d’amorçage.
Keogh et al., 2023Post-Traumatic Stress Disorder, intrusions multi-sensorielles, humeur, émotionsGA : N = 25 ; âge moyen = 35,56 ; 15F GC : N = 23 ; âge moyen = 21,61 ; 12FAprès visualisation de films traumatisants, les aphantasiques rapportent moins d’intrusions à court et à long terme et des intrusions de nature différente par rapport aux contrôles : plus grande proportion d’intrusions verbales, plus faible de visuelles.
Königsmark et al., 2021pseudo-hallucinationsGA : N = 143
GC : N = 63
Lors de la tâche de Ganzflicker, les contrôles rapportent des pseudo-hallucinations nettes voire complexes ; les aphantasiques des pseudo-hallucinations absentes ou peu nettes.
Liu et al., 2023perception visuelle, imagerie mentale, mémoire sémantique, imagerie spatialeGA : N = 44 ; âge moyen = 35.43 ; 34F, 10M ; score au VVIQ <= 32
GC : N = 42 ; âge moyen = 37.02 ; 26F, 16M
GH : N = 31 ; âge moyen = 34.74 ; 24F, 7M
Les aphantasiques ont un taux de réponses valides similaire aux contrôles sur les tests des thématiques étudiées et des temps de réaction plus longs, sauf pour l’estimation de relations spatiales. Ils ont également montré une confiance plus basse en leurs réponses.
Milton et al., 2021neurologie de l’imagerie mentale, autisme, introversion, mémoire (future, atemporelle et épisodique), reconnaissance faciale et reconnaissance d’endroitsGA : N = 24 ; score au VVIQ <= 23
GC : N = 20 ; score au VVIQ entre 55 et 60
GH : N = 25 ; score au VVIQ >= 75

pas de différence significative d’âge et de genre entre les trois groupes
Les aphantasiques ont des scores moins bons de mémoire autobiographique, d’imagination future et atemporelle et de reconnaissance faciale mais ne présentent pas de différence par rapport à la mémoire antérograde. L’aphantasie est associée au spectre autistique et à l’introversion.
Des différences de connectivité, notamment autour du lobe pariétal antérieur, sont mises en évidence par IRM.
Monzel et al., 2021guidage attentionnelE1:
GA : N = 568 ; âge moyen = 30.27
GC : N = 1324 ; âge moyen = 25.25

E2 : G : N = 1891 ; 75,8%M, 20.6%F, 3.5%X ; âge allant de 18 à 68 ; GA : N = 355 ; GC : N = 1536
E1 : Les aphantasiques ont des temps de réaction plus lents et une exactitude similaire.
E2 : Les aphantasiques sont plus lents que les contrôles lorsque l’amorce est visuelle par rapport à une amorce verbale.
Monzel et al., 2023guidage attentionnelGA : N = 104 ; score au VVIQ <= 23
GC : N = 104 ; choisis pour ne pas avoir de différence d’âge, de genre et d’intelligence avec le GA : âge moyen = 31.66 ; 63%M, 22.2%F, 3.8%X
Les aphantasiques mettent plus de temps à identifier une cible amorcée dans une image complexe (différence de 1.488 secondes entre les groupes : 8.95s chez les aphantasiques, 7,42s chez les contrôles).
Pounder et al., 2022mémoire épisodique, mémoire de travail visuo-spatialeGA : N = 20 ; âge moyen = 40 ; 13F, 7M ; score au VVIQ <= 25
GC : N = 20 ; âge moyen = 39.5 ; 12F, 8M ; score au VVIQ >= 35
Aucune différence n’a été relevée entre les aphantasiques et les sujets contrôles, sauf pour les aphantasiques ayant un score de 16 au VVIQ, qui sont plus lents dans les tâches de rotation mentale.
Wicken et al., 2021émotions, conductance cutanéeE1 :
GA : N = 22 ; âge moyen = 33 ; 10F ; score au VVIQ <= 32
GC : N = 24 ; âge moyen = 23 ; 11F
E2 :
GA : N = 16 ; 10F ; score au VVIQ <= 32
GC : 15 ; 7F
E1 : Les aphantasiques montrent des réactions de peur réduites quand on leur présente des scénarios effrayants auditivement.
E2 : Les aphantasiques montrent des réactions de peur similaires aux contrôles lors de la présentation de photos effrayantes.
Wittman et al., 2022 mémoireGA : N = 55 ; âge moyen = 37 ; 35F, 20M ; score au VVIQ = 16
GC : N = 41 ; âge moyen = 33.4 ; 19F, 19M, 2X
Les aphantasiques ont un score d’imagerie visuelle objet plus faible que les contrôles et un score d’imagerie visuelle spatiale égal aux contrôles.
Les aphantasiques font moins d’associations entre les paires de stimuli visuels pendant l’encodage. Ils ont aussi moins confiance en leur réponse.
Zeman et al., 2020mémoire autobiographique, reconnaissance faciale, préférence pour les sciencesGA : âge moyen = 41.31 ; 49.7%F, 50.3%M ; score au VVIQ <= 23
GC : âge moyen = 56.8 ; 53%F, 47%M ; score au VVIQ Є [24,59]
GH : âge moyen = 41.87, 67%F, 33%M ; score au VVIQ >= 60
La mémoire autobiographique et la prévalence de rêves imagés est inférieure chez les aphantasiques par rapport aux autres groupes et supérieure chez les hyperphantasiques par rapport aux autres groupes.
Les aphantasiques sont moins synesthètes et leur humeur influence moins leur imagerie.
Les aphantasiques travaillent plus que les hyperphantasiques dans l’informatique, les mathématiques, la physique et les sciences sociales.

Légende : G : groupe ; GA : groupe de participants aphantasiques ; GC : groupe contrôle ; GH : groupe de participants hyperphantasiques ; E1, E2, E3 : expérience n°1, 2, 3

Questionnaires et tâches utilisées dans l’ensemble des articles

Afin de permettre une meilleure compréhension des questionnaires et tâches mis en place dans les articles étudiés, nous les avons récapitulés en fournissant une explication de leur fonctionnement et de leur objectif.

Nom du questionnaire/de la tâche Articles le/la mettant en place Objectif et principe
Autism Quotient (AQ) Dance et al., 2021a ; Dance et al., 2021b mesure la présence de 5 traits associés aux troubles du spectre de l'autisme : la communication, l'imagination, les compétences sociales, la redirection de l'attention et l'attention aux détails.
Conductance cutanée et stimuli effrayants Wicken et al., 2021 mesure des changements dans le niveau d'activité du système nerveux automatique (un stimulus effrayant induit généralement une augmentation).
Depression anxiety and stress scale (DASS) Keogh et al., 2023 mesure l'ampleur de la dépression, de l'anxiété et du stress chez une personne (notamment en s'intéressant à la tristesse, la motivation, l'estime de soi, l'arousal physiologique, la panique perçue, la peur, la tension et l'irritabilité). (Parkitny et al., 2010).
Episodic Memory Imagery Questionnaire (EMIQ) Dawes et al., 2020 ; Dawes et al., 2022 mesure la netteté subjective de la mémoire épisodique.
Grapheme-color synesthesia diagnostic Dance et al., 2021a diagnostique une synesthésie graphème-couleur, correspondant au lien entre une lettre et une couleur.
Glasgow Sensory Questionnaire (GSQ) Dance et al., 2021b mesure de la sensibilité sensorielle dans sept modalités (modalités visuelle, auditive, olfactive, tactile, gustative, vestibulaire et proprioceptive).
Interview Autobiographique Adaptée Dawes et al., 2022 estime la mémoire autobiographique en demandant un rappel de six événements étant arrivés au sujet et la capacité à se projeter dans le futur en demandant d'imaginer six événements futurs hypothétiques avec un indice ("livre", "jardin", etc.).
Imaginal Process Inventory (IPI) partie 1 Dawes et al., 2020 évalue la fréquence de "day dreams" ou rêves éveillés et de rêves pendant le sommeil ainsi que leurs caractéristiques.
Mental Rotation Task (MRT) Pounder et al., 2022 tâche de rotation mentale où l’on doit déterminer si deux assemblages de cubes en trois dimensions sont des assemblages similaires mais orientés différemment ou si ce sont des assemblages différents.
mini-Q Monzel et al., 2023 contrôle la vitesse de traitement.
One Touch Stocking of Cambridge (OTS) Pounder et al., 2022 test de mémoire de travail visuo-spatiale basée sur la Tour d’Hanoi où l’on demande le nombre minimal de coups pour atteindre son objectif sans pouvoir modifier l’agencement de la tour ou même bouger pendant la tâche.
Pattern Recognition Memory (PRM) Pounder et al., 2022 test de mémoire déclarative avec présentation de 12 items visuels non-verbalisables puis reconnaissance par paires d’items.
Peri-Traumatic Emotion Ratings Keogh et al., 2023 mesure l'état émotionnel du sujet par rapport au bonheur, l'anxiété, le sentiment d'être déprimé, la colère et l'horreur.
Projector-Associator (PA) questionnaire Dance et al., 2021a distingue les synesthètes projecteurs des synesthètes associateurs.
PTSD Checklist for DSM-V (PCL-V/PCL-5) Dawes et al., 2020 ; Keogh et al., 2023 mesure la présence de 5 catégories de symptômes traumatiques liés à des événements stressants chez le sujet : les intrusions, les comportements d'évitement, les altérations négatives de l'humeur et de la cognition et la réactivité et arousal.
Spatial Span (SSP) Pounder et al., 2022 test de mémoire de travail visuo-spatiale avec reproduction d’une séquence visuelle dont la longueur est graduellement augmentée.
Spontaneous Use of Visual Imagery Visual Search Task (SUVI) Monzel et al., 2021 tâche de guidance attentionnelle avec un premier stimulus (un mot à visualiser) puis deux images (dont une représentant le premier stimulus) ou deux mots (dont le mot du premier stimulus) ; on observe le temps de réaction pour appuyer sur le bouton correspondant à l'image indicée.
State Trait Anxiety Test (STAI) Keogh et al., 2023 mesure l'état actuel et l'état général anxieux du sujet (Spielberger (1983)).
Subjective Experiences Rating Scale (SERS) Dawes et al., 2020 mesure le contenu qualitatif et l'expérience subjective des rêves pendant le sommeil du sujet, divisés en 6 caractéristiques : le sensoriel, l'affectif, le cognitif, la complexité spatiale, la perspective et la lucidité.
Survey of Autobiographical Memory (SAM) Dawes et al., 2020 propose une mesure subjective de la mémoire épisodique, notamment la mémoire d'événements, les événements futurs, la mémoire factuelle et la mémoire spatiale.
Tâche de détection de changement Jacobs et al., 2017 estime la mémoire de travail visuelle pour des stimuli variés (formes, couleurs, dispositions spatiales…) (tâche originale de Wheeler et Treisman, 2002).
Tâche de moriya Monzel et al., 2021 tâche de guidance attentionnelle avec un indice (un mot décrivant une couleur à visualiser) puis deux carrés colorés (dont un de la couleur amorcée) avec une ouverture sur l'un de ses côtés ; le sujet devait indiquer avec des flèches le côté ouvert du carré coloré de la couleur amorcée.
Tâche de rappel d'un dessin Bainbridge et al., 2020 après observation de 3 dessins, les sujets doivent les reproduire de mémoire le plus précisément possible puis on contrôle leur capacités de dessin et attentionnelle en les faisant dessiner une image devant eux ; les dessins ont été notés par 2700 personnes en ligne.
Tâche de recherche visuelle Monzel et al., 2023 après la présentation de la cible, les participants doivent la retrouver dans un dessin.
Thought Suppression Scale (TSS) Keogh et al., 2023 mesure la tendance d'un individu à rejeter ses pensées évoquant un événement déplaisant.
Verbal Recognition Memory (VRM) Pounder et al., 2022 tâche de reconnaissance de 12 items étudiés (lus) et 12 distracteurs à la suite d’une phase d’étude et d’un rappel libre.
Visual Working Memory (WM) & Imagery (IM) tasks Jacobs et al., 2017 présentation d'un mot relatif à une forme géométrique puis de la forme (soit ses contours (condition WM) soit la localisation de ses angles (condition IM)), suivie d'un masque et de l'apparition d'un point ; le sujet doit indiquer si le point est dans ou en-dehors de la forme. Tâche créée à l'occasion de l'étude.
Wechsler Adult Intelligence Scale-IV (WAIS-IV) Jacobs et al., 2017 estime le QI à travers 10 tâches et 4 sous-échelles : compréhension verbale, mémoire de travail, raisonnement perceptif, vitesse de traitement.
Working Memory Capacity (WMC) battery Jacobs et al., 2017 mesure la capacité de la mémoire de travail à travers quatre tâches : une tâche de mise à jour, opération span, sentence span, une tâche de mémoire de travail spatiale.