Outils d'évaluation de l'aphantasie
Questionnaires
Vividness of Visual Imagery Questionnaire (VVIQ)
Le VVIQ, ou Vividness of Visual Imagery Questionnaire, Questionnaire de Netteté d’Imagerie Visuelle, est un questionnaire de 16 items correspondant chacun à une description dont le participant doit créer une image visuelle mentale puis noter la force et la netteté de l’image sur l’échelle de points suivante (Marks, 1973) :
- Pas d'image du tout, je "sais" juste que j'y pense
- Vague et flou
- Modérément clair et net
- Clair et raisonnablement net
- Parfaitement clair et aussi net que si c'était devant moi
Le résultat est obtenu en ajoutant la valeur des réponses. Le résultat maximal est donc 80 et le résultat minimum est 16.
Certains auteurs considèrent qu’une personne est aphantasique si son score est inférieur ou égal à 32 (Wicken et al., 2021 ; Kay et al., 2022 ; Dance et al., 2021b ; Liu et al., 2023) mais il n’y a pas de consensus. D’autres études considèrent que le score seuil de l’aphantasie est, par exemple, 23 (Monzel et al., 2023 ; Zeman et al., 2020) ou encore 25 (Bainbridge et al., 2021 ; Pounder et al., 2022).
Une aphantasie extrême est également caractérisée par un score minimal au VVIQ par Zeman et al., 2020. Dans la population générale, le score moyen au VVIQ serait de 59,2 avec un écart-type de 11,07 (McKelvie, 1995).
Object-Spatial Imagery Questionnaire (OSIQ)
L’OSIQ, ou Object-Spatial Imagery Questionnaire, Questionnaire d’Imagerie Spatiale et d’Objet, a été développé par Blajenkova et al., 2006. Ce questionnaire propose deux résultats : une note d’imagerie objet et une note d’imagerie spatiale, calculées grâce aux réponses à 50 items (25 pour chaque condition) avec une échelle de Likert (Dawes et al., 2019). Les notes vont de 15 à 75 (Bainbridge et al., 2020).
Il a été montré dans plusieurs études que les personnes aphantasiques obtiennent des scores plus bas sur l’échelle d’imagerie objet mais pas sur l’échelle d’imagerie spatiale (Dawes et al., 2020 ; Bainbridge et al. 2021 ; Wittman et al., 2022).
Spontaneous Use of Imagery Scale (SUIS)
Le SUIS, ou Spontaneous Use of Imagery Scale, Échelle d’Utilisation Spontanée de l’Imagerie, est un questionnaire d’imagerie visuelle mentale créé par Reisberg et al. en 2003. Il comporte 12 items à évaluer sur une échelle de 1 à 5. La moyenne de ces réponses donne une estimation de l’utilisation spontanée d’imagerie mentale dans la vie de tous les jours du sujet. Le score minimal, indiquant une faible utilisation, est de 16 et le score maximal, indiquant une utilisation importante, est de 60 (Nelis et al., 2014).
Le score au SUIS est corrélé au score au VVIQ (Nelis et al., 2014 ; Keogh et al., 2017).
Visual Imagery Questionnaire (VIQ)
Le Visual Imagery Questionnaire permet de mesurer l’imagerie mentale en demandant à ses participants de penser au bâtiment dans lequel ils habitent et de noter leur perception sur une échelle de Likert allant de 0 “je n’ai pas d’image du tout et je ne sais pas à quoi ça ressemble / I have no image or picture at all and I don’t know what it looks like” à 5 “j’ai une image comme une photographie qui est parfaitement claire et nette - comme si j’étais là / I have an image like a picture that is perfectly clear and vivid – just as if I were really standing”. (Dance et al., 2021b).
Questionnaire upon Mental Imagery (QMI)
Le Questionnaire upon Mental Imagery a été conçu en 1967 par Sheehan. Ce questionnaire d’imagerie mentale se distingue par la variété de modalités sensorielles sur lequel il porte : sept au total, comprenant la vision, l’audition, le toucher, la kinesthésie, le goût, l’odeur et les émotions. Il propose cinq questions par modalité, soit trente-cinq items totaux, où le participant doit noter sur sept le stimulus imaginé avec une échelle de 1 “perfectly clear and vivid” à 7 “no image present at all”. (Dawes et al., 2019 ; Sheehan, 1967)
Multi-domain french-language Battery Imagination Perception (BIP)
Le multi-domain french-language Battery Imagination Perception est une batterie de tests sur l’imagerie mentale visuelle créée par Bourlon et al, 2009. Elle comporte 14 tâches d’imagerie mentale visuelle et 8 de perception visuelle.
Clarity of Auditory Imagery Scale (CAIS)
Le Clarity of Auditory Imagery Scale est un questionnaire portant sur l’imagerie auditive construit par Willander et Baraldi (2010). Les participants doivent imaginer 16 sons et les noter sur une échelle allant de 1 à 5. La méthode de notation est similaire à celle du VVIQ : on obtient une note pouvant aller de 16 (une imagerie pauvre) à 80 (une imagerie riche) (Dance et al., 2021b)
Vividness of Olfactory Imagery Questionnaire (VOIQ)
Le Vividness of Olfactory Imagery Questionnaire est un questionnaire d’imagerie olfactive où le participant doit noter de 1 à 5 quatre odeurs de quatre situations différentes. Comme le VVIQ, le VOIQ propose un score allant de 16 à 80, représentant respectivement une imagerie olfactive absente ou excellente. (Dance et al., 2021b)
Vividness of Movement Imagery Questionnaire 2 (VMIQ-2)
Le Vividness of Movement Imagery Questionnaire 2 est un questionnaire d’imagerie kinesthésique qui a été revisité par Roberts et al. en 2018 pour proposer une version avec trois perceptions différentes du mouvement : une perception en première personne, une en troisième personne et une perception concernant la sensation du mouvement. Une échelle de Likert en 5 points est utilisée pour noter 72 items différents. (Dance et al., 2021b)
Plymouth Sensory Imagery Questionnaire (Psi-Q)
Le Plymouth Sensory Imagery Questionnaire (Psi-Q) est un questionnaire d’imagerie portant sur de multiples domaines sensoriels : on y teste l’imagerie visuelle, auditive, tactile, gustative, olfactive, kinesthésique et également l’imagerie sentimentale, qui correspondrait à la capacité à recréer un sentiment ou une émotion. Pour chaque modalité, cinq items sont proposés et un score allant de 0 à 10 est calculé. (Dance et al., 2021b)
Imagery Questionnaire (IQ)
Le Imagery Questionnaire (IQ) est un questionnaire d’imagerie mentale créé par Zeman et al. en 2015 pour récolter des informations sur les constatations des personnes aphantasiques sur leur propre aphantasie. Nous y trouvons par exemple une question sur leur capacité à rêver, l’impact de leur aphantasie sur leur couple ou le nombre de personnes de leur entourage étant également aphantasiques. Les 14 items portent principalement sur l’imagerie mentale visuelle. (Zeman et al., 2015).
Mesures physiologiques
Tâche de rivalité binoculaire
La tâche de rivalité binoculaire est la première tâche cherchant à objectiver l’aphantasie et à ne plus restreindre les études dans ce domaine à des questionnaires auto-administrés. Keogh et al., 2017, à l’origine de cette technique, ont utilisé une variante d’une tâche de perception visuelle pour en faire une tâche d’imagerie mentale visuelle.
En effet, la tâche de rivalité binoculaire met en évidence un effet d’amorçage. On présente une image amorce, composée de traits horizontaux ou verticaux d’une certaine couleur aux deux yeux dans un premier temps. Nous la présentons ensuite à un seul œil, alors que l’autre œil perçoit alors une image différente, avec une orientation et une couleur différentes. De manière intéressante, nous allons alors uniquement percevoir l’image amorcée.
Tâche de rivalité binoculaire originale
Keogh et al. (2017) ont repris cette tâche en remplaçant la perception de l’image amorce par sa description : on peut alors lire sur l’écran “traits horizontaux verts” ou “traits verticaux rouges”, par exemple. Comme dans la tâche originale, on présente à chacun des yeux une image différente, dont celle qui a été décrite auparavant.
Tâche de rivalité binoculaire testant l’imagerie mentale de Keogh et al. (2017)
Si un effet similaire à celui de la tâche originale a été observé chez les sujets contrôles, qui voyaient alors uniquement l’image amorcée, les sujets aphantasiques ont vu l’une ou l’autre des images sans effet d’amorçage significatif, de manière aléatoire.
Ce résultat montre que les aphantasiques ne manquent pas seulement de métacognition mais qu’ils n’ont réellement pas ou peu d’imagerie mentale. La tâche de rivalité binoculaire pourrait donc être utilisée pour tester l’aphantasie.
Pupillométrie dans une tâche d'imagerie mentale
Les récents travaux de Kay et al. (2022) portent sur les variations de la taille de la pupille lors de tâches d’imagerie mentale. Nous savons déjà que les pupilles se dilatent et se contractent en fonction de stimuli d’ordre cognitif en plus de la luminosité. Par exemple, une image de soleil en nuances de gris causera une contraction pupillaire plus importante qu’une image de lune en nuances de gris. Le but de Kay et al. a été de montrer que l’imagerie mentale peut également influencer la taille de la pupille.
Grâce à une tâche de perception puis d’imagerie décrite ci-dessous ainsi qu’à un questionnaire demandant de noter la netteté de l’image créée mentalement, les chercheurs ont mis en évidence que si les sujets contrôles montraient une réaction pupillaire à la tâche de perception comme à celle d’imagerie, ce n’est pas le cas des participants aphantasiques qui présentaient une réaction diminuée dans la condition d’imagerie (l’aphantasie étant décrite dans leur expérience par un score au VVIQ inférieur à 32).
Schéma explicatif de l'expérience
L’article prouve que les pupilles répondent à la force et à la vivacité d’une image visuelle, et que plus l’image est forte et nette, plus la pupille répond. Cette réponse n’a pas été retrouvée chez les individus sans imagerie mentale : la pupillométrie dans une tâche d’imagerie mentale pourrait donc être une mesure objective d’imagerie mentale, à l’instar du test de rivalité binoculaire.